TAXFLASH - LN24 - Besoin de recettes fiscales et capacités contributives
Besoins de recettes fiscales et capacité contributive
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Perspectives économiques et budgétaires pour les prochaines années
Ce 15/02/2024, le Bureau fédéral du plan a publié ses dernières perspectives économiques pour la période 2024-2029.
Si la croissance devrait être stable, le déficit public continue à se creuser. Il serait ainsi passé de 3,5% du PIB à 4,6% en 2023. Il devrait encore augmenter pour atteindre 5,6% pour la période 2025-2029, ceci principalement en raison de l’augmentation des dépenses de pensions et de soins de santé, et de l’accroissement des intérêts de la dette.
La dette publique passerait ainsi à 106% du PIB en 2024 et à 117% en 2029.
Ces perspectives nous éloignent de manière sensible des critères européens, à savoir : un déficit annuel ne dépassant pas 3% du PIB et une dette globale ne dépassant pas 60% du PIB.
Quelle réaction adopter ?
Face à cette énième mauvaise nouvelle, il n’y a pas 36 solutions : soit entrer dans une nouvelle phase de restriction budgétaire (on parle d’un effort de 25 milliards d’euros à réaliser dans la prochaine législature), soit augmenter les recettes fiscales.
C’est aussi la conclusion à laquelle arrive mon ancien professeur à l’Ecole supérieure des sciences fiscales, Bruno Colmant, au micro de Maxime Binet (LN24) ; il ajoute cependant que la réduction des dépenses sociales étant très peu probables, la seule chose à faire sera sans doute de lever plus d’impôts.
Cette réflexion me fait penser à celle qu’on entend régulièrement quand il est question de transition écologique : les besoins en financement pour lutter contre le réchauffement climatique sont évalués en Belgique à plusieurs milliards d'euros… nécessitant ainsi la levée de nouvelles recettes fiscales.
Lever plus d’impôts… avec quels moyens ?
Si (presque) tout le monde semble d’accord pour prôner plus de recettes fiscales dans le futur, il est nettement moins évident de savoir qui va payer ces recettes.
Ceci pose d’ailleurs une question plus fondamentale encore : qui a aujourd’hui les moyens de payer plus d’impôts en Belgique ? La réponse est loin d’être évidente.
Elle pose la question de la capacité contributive à l’impôt.
Capacité contributive à l’impôt
Cette notion est souvent rattachée à l’analyse d’Adam Smith, considérée par beaucoup comme le fondateur de l’économie politique moderne.
Smith conditionnait l’impôt juste au respect de plusieurs principes, dont le fait de lever l’impôt en tenant compte des revenus et des richesses de chaque agent économique :
« Les sujets d’un État doivent contribuer au soutien du gouvernement, chacun le plus possible en proportion de ses facultés, c’est-à-dire en proportion du revenu dont il jouit sous la protection de l’État ».
En d’autres termes, cela signifie que l’impôt ne peut être prélevé qu’auprès des contribuables qui disposent de la capacité financière à contribuer aux charges publiques.
Ce principe implique également que le contribuable ne puisse être tenu à vendre ses biens pour payer l’impôt.
C’est cette capacité contributive qui fit d’ailleurs naitre le principe de la progressivité de l’impôt.
La charrue avant les bœufs ?
Il est quand même interpellant de constater qu’alors que la situation financière de la Belgique n’est pas au beau fixe (comme celle de la plupart des pays occidentaux, d’ailleurs), il soit question de nouvelles dépenses publiques, sans même être assuré de pouvoir disposer des recettes que pour pouvoir les supporter.
N'est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs ?
En effet, on n’imagine pas une entreprise s’engager dans la voie de nouveaux investissements sans s’assurer préalablement qu’elle dispose des moyens financiers pour ce faire. De même, on n’imagine pas un simple citoyen s’engager dans la voie de nouvelles dépenses privées sans vérifier qu’il dispose préalablement des ressources que pour les supporter (et s’il le fait quand même, il sera traité de prodigue).
Le temps des physiocrates
Ceci n’est pas sans rappeler l’analyse que certains penseurs de l’Ancien Régime faisaient de l’impôt juste, avant même la Révolution française.
Ceux-ci contestaient alors les impôts dits de répartition qui consistaient à déterminer à l’avance le montant des recettes fiscales dont l’Etat aurait besoin avant de les répartir entre les contribuables.
Ils leur préféraient les impôts dits de quotité dont le montant devait être proportionnel aux facultés des contribuables, non pas aux besoins de l’Etat.
Nos politiciens actuels feraient bien de s’en inspirer…
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A très bientôt pour une nouvelle capsule de TaxFlash.