TAXFLASH - LN24 - Faut-il taxer les plus-values sur actions ?
Faut-il taxer les plus-values sur actions ?
Bienvenue dans Tax Flash, votre séquence de décryptage fiscal.
En ce début de campagne électoral, commencent à poindre les premières propositions fiscales des partis politiques.
Parmi les idées avancées par certains politiciens, avec l’appui d’un certain nombre d’experts, figure la taxation des plus-values, et plus particulièrement la taxation des plus-values sur actions.
Qu’en penser ?
Rappel des règles actuelles
Actuellement, la plus-value qu’un actionnaire (personne physique) réalise en Belgique, suite à la vente de ses actions, est exonérée de l’impôt des personnes physiques.
C’est en tout cas le principe. Si la plus-value a un caractère spéculatif, elle est bien imposable, au titre de revenus divers, au taux de 33%.
Réforme nécessaire ?
Très régulièrement revient sur la table la question de la taxation des plus-values sur actions.
L’approche des élections du mois de juin ne fait pas exception.
Assez récemment, un groupe d’experts renommés s’est penché sur la taxation du capital en Belgique. La synthèse de leur réflexion a été publié dans le journal l’Echo du 08/04/2023[1].
De manière unanime, ils relèvent la nécessité de taxer les plus-values sur actions. A l’appui de cette réforme, ils relèvent les arguments suivants : l’inégalité de traitement des plus-values sur actions (non imposées) et des dividendes produits par ces mêmes actions (imposés, eux, au taux de 30% à l’IPP) ; le fait d’inciter les actionnaires à vendre les actions tant que le régime d’exonération existe, le fait d’imposer certaines transactions (à travers la taxe sur les opérations boursières et les droits d’enregistrement) alors qu’elles ne génèrent pas forcément de plus-value.
Pas si évident que cela
Je ne suis pas de cet avis.
Plusieurs arguments plaident, au contraire, contre la taxation des plus-values sur actions.
J’en relèverais trois :
- Premièrement, l’accroissement de valeur du patrimoine des sociétés belges subit déjà, à l’heure actuelle, une double imposition ;
- Deuxièmement, une partie de la plus-value taxée proviendra non pas d’un accroissement de la valeur de la société mais de l’inflation subie au fil du temps ;
- Troisièmement, la taxation risque de se produire sur un accroissement de valeur futur.
La taxation de la plus-value a déjà eu lieu
Rappelons qu’actuellement, les bénéfices qui génèrent pour une société un accroissement de la valeur de son patrimoine subissent l’impôt des sociétés, au taux de 25%.
Une fois l’impôt des sociétés prélevé, le bénéfice net de la société subira un nouvel impôt (on parle donc de double imposition économique), dans le chef de l’actionnaire cette fois-ci : l’impôt des personnes physiques, prélevé à un taux distinct de 30%.
C’est précisément la raison pour laquelle les experts cités ci-dessus considèrent que les plus-values sur actions doivent être imposées car rien ne justifie la différence de traitement entre les plus-values et les dividendes.
Mais ce raisonnement est, à mon sens, incomplet : la société est une entité purement morale ; seul l’actionnaire (personne physique) peut jouir des bénéfices de la société qui finiront tôt ou tard par être distribués en sa faveur, au plus tard au moment de la liquidation de la société (ils prendront alors la forme du boni de liquidation, taxable à 30%, comme les dividendes).
La taxation de la plus-value génèrera alors une double imposition. Le juriste parlera plutôt d’une double imposition de l’actionnaire ; l’économiste considèrera plutôt que c’est le patrimoine de la société qui subit une double imposition car c’est en réalité l’accroissement des fonds propres de cette société qui est visé[2].
La taxation d’une plus-value provenant de l’inflation
Durant la période s’étendant de 1960 à 2022, la Belgique a connu un taux d’inflation moyen de 3,6% par an. Sur la période totale, la hausse des prix s’élève à 751,83 %.
Prenons ainsi des actions d’une société acquises par un contribuable belge en 1960, pour le prix de 100.000 EUR.
De manière théorique, par le fait de l’inflation, ces actions valent donc aujourd’hui 851.830 EUR.
Imaginons que ces actions soient vendues pour le prix de 1.000.000 EUR : trouvera-t-on normal d’imposer une plus-value de 900.000 EUR ?
Certes, un taux d’imposition distinct pourrait être prévu pour éviter la progressivité de l’IPP, mais cela ne corrigera que très partiellement la plus-value résultant de l’inflation.
La taxation de bénéfices futurs
Enfin, on sait aussi que lorsqu’il s’agit de valoriser les actions d’une société, on intègrera souvent dans l’équation les bénéfices futurs de l’entreprise. Ces bénéfices futurs permettent, entre autres, de déterminer la capacité de remboursement du crédit bancaire conclu pour le financement de l’opération d’acquisition des actions.
Or, ces bénéfices restent potentiels.
L’imposition de la plus-value pourrait donc avoir pour conséquence d’imposer des revenus qui n’existeront jamais.
Et si les actions ne sont pas vendues ?
C’est un autre écueil à la taxation des plus-values sur actions. C’est qu’elle ne sera possible que si les actions sont vendues.
L’un des experts dont question ci-dessus relevait que l’absence d’imposition de la plus-value serait compensée par les droits de succession dus au décès de l’actionnaire.
Mais cette explication me semble bancale car les droits de succession visent tout le patrimoine du contribuable, y compris la partie de ce patrimoine constitué grâce au prix de vente des actions (prix duquel serait déduit à l’avenir l’impôt perçu sur la plus-value).
Conclusion
Tout ceci nous fait penser que la taxation des plus-values n’est pas si évidente car finalement, elle remettrait en question l’équilibre de notre système fiscal, trouvé en 1962 lors de l’adoption du Code des impôts sur les revenus.
Sauf à revoir cet équilibre général, dans le cadre d’une réforme plus profonde de notre fiscalité. Mais ça, c’est une autre histoire.
*
A très bientôt pour une nouvelle capsule de Tax Flash.
[1] B. Mathieu, « Faut-il taxer plus les ’’riches’’ ? La fiscalité sur le capital à la loupe », L’Echo, 08/04/2023.
[2] B. Colmant, « Taxer les plus-values sur actions ? », L’Echo, 20/07/2010.